En raison de la crise sanitaire liée au coronavirus Covid-19, plusieurs entreprises font face à des difficultés économiques. Afin de pallier ces difficultés tout en maintenant les emplois de leurs salariés, certains employeurs s’interrogent sur la possibilité de réduire leurs coûts en réduisant leur masse salariale.
Une telle diminution est-elle possible ? Quel serait l’intérêt de mettre en œuvre un accord de performance collective ?
En principe, l’employeur ne peut pas modifier la rémunération du salarié sans son accord car il s’agit d’un élément essentiel du contrat de travail.
Cela vaut tant pour le montant du salaire que pour le mode de calcul de ce dernier ou la structure de la rémunération. Une clause contractuelle ne pourrait pas non plus prévoir le contraire au risque d’être privée d’effet.
Dans le même sens, les modifications indirectes de la rémunération, c’est-à-dire les modifications d’autres éléments du contrat (durée du travail, mutation en application d’une clause de mobilité) qui auraient pour conséquences une réduction de la rémunération, requièrent également l’accord du salarié.
La modification du salaire ne peut donc intervenir que si le salarié a donné son accord. Nous préconisons donc de la formaliser par la signature d’un avenant au contrat de travail.
Dans l’hypothèse où l’employeur ne respecterait pas cette règle, il s’exposerait d’une part à devoir verser au salarié son « manque à gagner » (sous forme de rappel de salaire et/ou de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi) et, d’autre part, il courrait le risque que la responsabilité d’une rupture du contrat lui soit imputée (via une prise d’acte de la rupture ou une action en résiliation judiciaire à ses torts) avec le versement des indemnités afférentes.
A savoir : S’agissant des éléments non contractuels de la rémunération (notamment les primes non contractualisées résultant d’un accord collectif ou d’un usage), l’employeur peut les modifier sans l’accord du salarié. Ainsi, il peut les réduire voire les supprimer en respectant la procédure de dénonciation/révision de l’accord ou de remise en cause de l’usage. |
Un outil intéressant aménageant ce principe existe : l’accord de performance collective (APC).
Institué par l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, l’APC trouve dans les conditions actuelles un intérêt majeur en ce qu’il peut permettre de « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou […] de préserver, ou de développer l’emploi » et notamment (C. trav., art. L. 2254-2) :
- d’aménager la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition (par ricochet, cela réduira la rémunération des salariés) ;
- d’aménager la rémunération dans le respect des salaires minima hiérarchiques légaux et conventionnels (salaire de base ou de tout autre avantage et accessoire du salaire).
Ainsi, un APC pourrait, par exemple, prévoir la réduction de la rémunération de l’ensemble des salariés de 10 %, la suppression d’une prime de treizième mois ou encore la diminution du nombre d’heures de travail…
Ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, même en matière de rémunération et de durée du travail.
Lorsqu’un tel accord est conclu, le salarié peut toujours refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord. Il dispose alors d’un délai de un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur. L’employeur dispose ensuite d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement.
Le licenciement résultant du refus du salarié de se voir appliquer l’accord sera alors un licenciement sui generis et non un licenciement pour motif personnel ou économique. Il reposera sur un motif spécifique qui constituera une cause réelle et sérieuse de licenciement. La procédure applicable à ce licenciement reste néanmoins celle du licenciement pour motif personnel.