Par un arrêt du 25 juin 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a affirmé que la période d’éviction d’un salarié entre son licenciement jugé illégal et sa réintégration est assimilée à du temps de travail effectif ouvrant droit à l’acquisition de congés payés.
A suivre cela, dans le cas où il serait à nouveau licencié, il aurait droit à une indemnité compensatrice de congés annuels non pris.
Cette période n’ouvre toutefois pas droit à l’acquisition de congés payés lorsque le salarié concerné a occupé un autre emploi au cours de celle-ci. Dans ce cas précis, il ne saurait prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
Cette position de la CJUE est contraire à la jurisprudence constante française selon laquelle l’acquisition des congés payés est une contrepartie de l’exécution d’un travail effectif.
En effet, pour la Cour de cassation, la période d’éviction du salarié réintégré après l’annulation de son licenciement n’ouvre pas droit à une acquisition de jours de congés payés mais seulement à une indemnité d’éviction (Cass. soc., 11 mai 2017, n° 15-19.731 FS-PB) destinée à compenser la perte de ses salaires subie entre son éviction et sa réintégration. Le droit à congés n’est acquis que dans l’hypothèse d’un travail effectif et la période d’éviction ne peut être considérée comme constituant un temps de travail effectif (Cass. soc., 30 janv. 2019, n° 16-25.672 F-D).
Par ailleurs, l’article L. 3141-5 du code du travail qui dresse la liste des périodes considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé ne fait pas état de la période allant du licenciement à la réintégration dans le cas d’un licenciement jugé nul.
Pour autant, l’assimilation par la CJUE de la période allant du licenciement jugé illégal à la réintégration du salarié à du travail effectif pour la détermination du droit à congés payés n’est qu’une transposition de sa jurisprudence en matière d’acquisition de congés payés au cours d’un arrêt de travail pour maladie.
En effet, si là encore, la Cour de cassation refuse d’assimiler les périodes de maladie non professionnelle à du travail effectif pour l’acquisition de droit à congés payés (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, n° 466 FS – P + B), la CJUE ne va pas dans le même sens. Elle a ainsi jugé que « le droit au congé annuel payé d’un travailleur absent pour des raisons de santé pendant la période de référence ne peut pas être subordonné (…) à l’obligation d’avoir accompli un travail effectif pendant cette même période. (…) tout travailleur, [quelle que soit la nature de son arrêt de travail] ne saurait voir affecté son droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines » (CJUE, grande ch., 24 janvier 2012, aff. C-282/10, Dominguez).
C’est donc après avoir rappelé cet arrêt que la CJUE, dans l’arrêt du 25 juin 2020, affirme que « (…) dans certaines situations spécifiques dans lesquelles le travailleur est incapable de remplir ses fonctions, le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné (…) à l’obligation d’avoir effectivement travaillé » et « tout comme la survenance d’une incapacité de travail pour cause de maladie, le fait qu’un travailleur a été privé de la possibilité de travailler en raison d’un licenciement jugé illégal par la suite est, en principe, imprévisible et indépendant de la volonté de ce travailleur », c’est pourquoi cette période d’absence doit être assimilée à du travail effectif dans la détermination du droit à congé.