Le 14 février 2025, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Nanterre a interdit à un employeur de mettre en œuvre un projet d’introduction d’outils d’intelligence artificielle sans l’avis du Comité Social et Économique (CSE).
L’anticipation du déploiement des outils d’IA qualifiée de trouble manifestement illicite
Bien que la direction ait ouvert une consultation en septembre 2024, celle-ci était toujours en cours. Le CSE disposait de deux mois pour rendre son avis. L’employeur prétendait qu’il s’agissait d’une simple phase d’expérimentation, mais des outils étaient déjà en usage. Le juge a estimé que cette situation constituait un « trouble manifestement illicite », justifiant une suspension immédiate du déploiement.
Employeurs : rappel de vos obligations avant d’introduire de l’IA
Le juge a fondé sa décision sur l’article L. 2312-15 du Code du travail, imposant à l’employeur de fournir au CSE un « délai d’examen suffisant » et des « informations précises et écrites ». La suspension du déploiement des applications a été ordonnée jusqu’à la clôture de la consultation, assortie d’une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée pendant 90 jours. L’employeur a également été condamné à verser 5 000 euros au CSE et 2 000 euros pour les frais d’avocats.
Perspectives pour le dialogue social quant à l’implémentation des technologies en entreprise
Cette décision illustre la nécessité pour les entreprises d’intégrer le respect du cadre légal du dialogue social dans les stratégies de transformation numérique. L’argument selon lequel un déploiement anticipé relèverait d’une simple phase d’expérimentation a été rejeté. Une consultation du CSE menée dans le respect des délais et des obligations légales est indispensable avant tout déploiement opérationnel. Pour les représentants du personnel, cette décision constitue un précédent important, confirmant que le contentieux en référé peut être un levier efficace pour garantir le respect de leurs prérogatives. Elle s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel visant à renforcer la place du CSE dans la gouvernance des mutations technologiques au sein de l’entreprise.
Vous n’avez pas de CSE ? Vous pouvez mettre en œuvre directement un outil tel que l’IA si et seulement si l’absence de CSE est justifiée (carence ou seuil non atteint).
Conseils pratiques :
Les bonnes pratiques à adopter lorsque votre entreprise est pourvue d’un CSE :
- Anticiper la consultation du CSE : Initiez une consultation dès la conception d’un projet impliquant des transformations organisationnelles ou technologiques. Assurez-vous de fournir toutes les informations utiles pour un avis éclairé.
- Respecter les délais : Le CSE doit disposer d’un délai suffisant pour analyser les enjeux du projet. En cas de désaccord sur les informations transmises, il peut saisir le juge pour obtenir des éléments complémentaires.
- Éviter toute mise en œuvre anticipée : Attendez la fin de la procédure avant toute implémentation. Un déploiement effectif avant l’avis du CSE peut être qualifié de trouble manifestement illicite.
- Recours en cas de manquement : Le CSE peut agir en référé pour suspendre un projet mis en œuvre sans consultation préalable. Une telle action peut aboutir à une suspension immédiate du projet et à des sanctions financières pour l’employeur.
Et si vous avez déjà mis en place sans respecter les règles ? Nous sommes toujours là pour vous aider !
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Article corédigé avec Camille ROUSSEAU, avocat en droit social de notre cabinet