Par un arrêt du 15 mars 2023[1], la Cour de cassation change de position : elle affirme qu’une décision collective prise en violation des statuts peut être annulée. Quelques lignes d’explication s’imposent…
La SAS est la forme de société la plus créée en France[2]. Son attractivité s’explique par sa grande souplesse. En effet, les associés bénéficient d’une importante liberté pour organiser le fonctionnement de leur société dans les statuts[3].
Notamment, selon l’article L227-9, alinéa 1, du Code de commerce, les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés (autrement dit les décisions collectives), leurs formes et leurs conditions (de majorité par exemple). Pour cela, les statuts peuvent être complétés par des actes extrastatutaires, comme un pacte d’associés.
Toutefois, pour certaines opérations (modifications de capital, transformation de la SAS en une autre forme de société…), la loi impose qu’une décision soit prise collectivement par les associés[4]. Selon l’article L227-9, alinéa 4, une décision collective peut alors être annulée à la demande de tout intéressé si elle n’est pas conforme à la loi.
Est-il également possible d’annuler une décision collective des associés si elle n’est pas conforme aux statuts ? Jusqu’au 15 mars dernier, la Cour de cassation répondait par la négative[5].
Par sa décision dite Larzul 2 du 15 mars 2023, la Cour de cassation vient opérer un important revirement de jurisprudence. Désormais, les décisions prises en violation des statuts d’une SAS prévoyant la compétence de la collectivité des associés pourront être annulées par tout intéressé.
Cette nouvelle décision de la Cour contribue à donner de la cohérence au régime des SAS. En effet, le fait qu’il était quasiment impossible de revenir sur une décision prise en violation des statuts prévoyant la compétence de la collectivité des associés réduisait la force obligatoire des statuts.
Déterminer quelles sont les décisions collectives qu’il sera désormais possible d’annuler nécessite la compétence d’un avocat en droit des affaires.
Quelques exemples de décisions qui pourraient être annulées :
- la signature de contrats importants, une dépense excédant un certain plafond, la convocation d’une assemblée générale ou encore le transfert du siège social dans un autre département ;
- Les décisions qui ne sont pas prises dans les formes et conditions prévues par les statuts. Cela peut viser les conditions de majorité pour l’adoption d’une décision, l’obligation de réunir une assemblée pour prendre telle décision ou encore la faculté d’organiser une consultation écrite…
A l’inverse, quelques exemples de décisions qui ne pourraient pas être annulées :
- Les décisions qui organisent les conditions dans lesquelles la SAS est dirigée[6] ;
- Les décisions qui violent le pacte d’associés.
Il faut enfin préciser que l’article L227-9, alinéa 4, du Code de commerce prévoit que l’annulation n’est que facultative. Ainsi, la Cour de cassation indique dans sa récente décision que la violation des statuts doit être de nature « à influer sur le résultat du processus de décision ». Le demandeur doit alors prouver que la décision prise aurait pu être différente si les statuts avaient bien été respectés.
[1] Com. 15 mars 2023, FS-V, n°21-18.324
[2] En 2022, 190 384 SAS ont été créées en France contre seulement 82 110 SARL. (Source : Insee, Répertoire des entreprises)
[3] Par exemple, les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée. (Art. L227-5 C. com)
[4] Art. L227-9, al2, C. com
[5] Com. 18 mai 2010, n°09-14.855
[6] Art. L227-5 C. com